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4/9 – LE MERLE, ROI DU MILIEU

Le Merle Roi du milieu (pdf)

L’ORNITHOLOGIE ET LA VILLE

Grand merci, les oiseaux savent voler et ne sont pas tributaires du sol pour leurs déplacements ! Pour venir en ville, ils n’ont pas à apprendre à traverser les routes (comme les hérissons) ou à attendre que l’homme se décide à recouvrir enfin les autoroutes et non plus les jardinsLes oiseaux, eux, volent en se moquant de tout cela et voilà pourquoi ce sont, parmi les vertébrés, les espèces que l’on retrouve le plus souvent en ville. Merci les oiseaux, on vous aime !

Merle femelle (Crédit photo Guillaume FAGNON)

 

La ville de Paris voit nicher dans ses murs, entre beaucoup d’autres oiseaux, des faucons pèlerins, des martins-pécheurs, des éperviers, des chouettes hulottes, des pic-verts.

Durant les migrations, on peut facilement aussi observer les silhouettes en vol de cigognes ou de grues (il suffit simplement de regarder en l’air). Il faut absolument aller à la rencontre de ces oiseaux en ville et il faut le faire exactement comme on le ferait dans un parc national. C’est là une façon de vivre sa ville sans perdre le contact avec la biodiversité et le développement durable.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. On ne peut pas lutter contre l’étalement urbain ou la crise écologique : on peut seulement intégrer cette dynamique positive, la civilisation du vivant. Et ce vivant se comprend par sa culture, au sens propre autant qu’au sens figuré.

L’ornithologie en ville est ainsi un des outils importants des jardiniers face à l’étalement urbain et la crise écologique. Encore merci les oiseaux!

 

LE MERLE, ROI DU MILIEU

Le merle ravit aussi les jardiniers: Sa présence confirme que les jardins du coin ne sont pas que de simples garnitures, d’agréables illusions verte mais qu’ils contribuent au développement durable. C’est que pour plaire aux merles, il faut que les espaces verts soit pleins de vie, qu’ils produisent du milieu.Le merle est un oiseau qui fait rêver les aménageurs. Il ne craint ni la ville ni l’homme et s’observe facilement (pas comme la chouette cette grande timide). Il chante merveilleusement bien et est capable de conquérir les habitants d’un quartier (non pas comme les perruches ces pipelettes).
Il est aussi un oiseau territorial qu’on ne croisera pas en groupe trop nombreux (pas comme nos titis parisiens).
Bref, c’est un oiseau qui semble né pour améniser facilement un lieu.

À l’origine un oiseau des bois, le merle est une grive qui a simplement pris son costume des villes pour rejoindre la cité (enfin surtout les mâles car les femelles, elles, en tant que responsable du nid, ont préféré garder leur tenues de camouflages).
Le merle est surtout actif dans le péri-urbain, ses petits jardins maraichers et ceux de ses villas car il est un fin gourmet au régime large mais délicat.
L’été pour nourrir vigoureusement ses petits, il chassera par exemple les vers de terre (en fourrageant la terre avec son bec).

Qui dit ver de terre, dit milieu, humus, compost et rejette les substrats artificiels et les pesticides.
Aux intersaisons et en hiver, il profitera des drupes (vraies, fausses,) et autres baies, mais aussi des fruits locaux plus gros pour peu qu’ils soient déjà entamés. Il affectionne aussi les graines et donc les mangeoires.

Avec ce régime-là, on comprend que malgré son goût pour l’apparat, sa présence en plein coeur des villes ne soit pas si simple.
Sa reproduction y est d’ailleurs un vrai questionnement pour les ornithologistes. Une étude aux jardins des plantes en 1998 n’a, pour exemple, vu aucune couvée arrivée à terme sur les 16 suivies cette année-là (grand merci au CORIF pour la detox!), et guère mieux depuis.

Mais il y a bien un endroit en plein centre d’une ville, une sorte d’oasis magique, où l’envol des petits merleaux (petit merleau étant un pléonasme sans fondement car nos “petits” merles, au moment de quitter le nid, sont aussi “grands” que leurs parents) réussit quasiment chaque année: Le 99 Kensington High Street.
Et dire que cela se passe sur le toit terrasse, au 6eme étage…

 

99 KENSINGTON STREET : L’EXEMPLE TYPE D’UN JARDIN SUR LES TOITS

Kensington roof garden est un jardin à l’ancienne : il magnifie la nature en ajoutant à ses qualités celle d’être protégée par les murets… Et quand ces murets font en fait 6 étages, les avantages sont certains, les merles le savent, nous le verrons.

Découvrons ce jardin par l’image, en commençant par sa forêt, sa rivière, son sous-bois (voir le panorama à droite).

La rivière passe au pied de ce chêne de 75 ans! Il nous fait oublier que nous nous trouvons au 6e étage.

 

Sous-bois et rivières sont le milieu des canards carolins (ici 2 femelles et 1 mâle).

 

La rivière sort du sous-bois pour contourner ce qui est donc le 7e étage.

 

Une placette aménagée pour une réception

 

Un nid de merle

 

La forêt et son ruisseau laissent place à une enfilade de placettes toutes bordées de plate-bandes à l’anglaise, au sol riche et toujours humide, parfait pour y trouver des vers de terre et nourrir ses merleaux.
Les murs sont aussi tous parés de lianes (lierre, vigne, chèvrefeuille, glycine, jasmin, clématite, etc.)… idéal pour que madame merle y construise son nid.
Tout est réuni donc pour sa réussite. Et il y a aussi, comme annoncé, l’avantage d’être protégé par 6 étages : La famille merle n’y sera que très peu troublée par les prédateurs. L’écureuils gris (qui chasse les oeufs), ni le chat et encore moins le renard, si présents à Londres, n’accèdent à cette terrasse.

Entre deux placettes, un petit passage caché débouche sur une troisième ambiance : le jardin andalous.
Là encore, ce jardin parle de lui-même, résumons-le par deux vidéo, la première est un clin d’oeil et date de 1964 (Grrrr…), la deuxième de l’année dernière.

 

ROY ORBISON Oh,pretty woman TOTP 1964 https://youtu.be/YKZ- 6hDUVW_0


Aerial Filming in London – Kensington Roof Gardens (filmed with a remote controlled hexarotor) https://youtu.be/cTVf3KsoD3E

 

LE SECRET DU ROOF GARDEN EST SIMPLEMENT D’ÊTRE UN JARDIN DE … JARDINIERS.

Il paraitrait que les ordinateurs ont un problème pour appréhender le milieu (eux aussi): Leur compréhension binaire du monde, faite de 0 et de 1 ne renforcerait que des 0 et des 1, des extrêmes mais rien entre les deux, pas de milieu.
Paraitrait que les fermes modernes sur les toits seraient en fait des stations d’engraissement de légumes, sans aucun milieu intérieur, retirées du milieu extérieur et soumis à des logiciels d’ordinateur?
Paraitrait que certains jardins modernes, qui apparaissent de nos jours sur les toits, n’ont ainsi pas d’oiseaux, ni vers de terre, ni même de terre elle-même et qu’ils ressemblent à des halls d’aéroport là encore sans milieu?

Ces questions ne se posent pas pour le roof-garden de Kensington.

On croise même des jardiniers avec de vrais outils de jardiniers aux Roofgarden !

Il a été conçu en 1938 avant l’apparition des ordinateurs.
Ralph Hancock, son paysagiste créateur a fait monter 40 cm de terre (oui de la terre) au 6e étage. Cela a suffit donc pour soutenir la croissance d’arbres plantés encore jeunes. Ceux-ci ont développé leur propre ancrage au sol et plus d’une centaine sont toujours en place.
Le milieu s’est désormais installé, accompagné par les jardiniers.

Toujours pas d’ordinateurs sur place, ni même de programmateurs : Tout est en gestion différenciée (terme voulant simplement dire tout est jardiné par un jardinier), même l’arrosage, massif par massif.
Il n’y a donc pas de différence entre un jardin du rez de chaussée ou un jardin sur les toits. Leur secret est le même, il est d’être jardiné. Cet oasis repose donc sur la culture du vivant, le développement du milieu, année après année.

On comprend ainsi qu’une fois affranchis des travaux architecturaux (structure et imperméabilité), les jardins sur les toits redeviennent ce qu’ils sont le paradis des jardiniers…

Les merles accompagnent les jardiniers durant leurs interventions comme ici sur un chantier à Paris 15e