1/9 – LA DYNAMIQUE POSITIVE DU REWILDING
La dynamique positive du rewilding (pdf)
OH MY GOD, DES CASTORS !
La surprise grandit encore quand on s’aperçut que ce n’était pas deux mais au moins dix castors qui squattaient là cette rivière. On fit appel aux scientifiques. L’enchantement alla croissant. Ces castors n’étaient pas arrivés ici avec la dernière pluie mais étaient présents, sans que personne ne le sache, depuis plusieurs années: leur joyeuse famille regroupait déjà deux générations.Une histoire drôle se déroula tout au long de ces trois dernières années en Angleterre, dans le comté de Devon, au bord des Cornouailles: Elle commença courant 2013, par l’impromptue découverte de deux castors, tout heureux pataugeant dans une rivière du coin.
Les premiers observateurs n’en crurent pas leur yeux, et pour cause, les castors étaient censés avoir disparus d’Angleterre depuis plus de 500 ans. C’était donc peu croyable et les amoureux de la nature accoururent alors pour s’en convaincre.
Pour pimenter cette histoire comme il se doit, débarquèrent alors depuis la capitale le DEFRA, le ministère anglais de l’environnement (et de l’alimentation et des affaires rurales). Et là, nous fûmes tous téléportés dans une dimension encore plus surréaliste: après s’être gratté la tête, le DEFRA déclara que ces castors, ne pouvaient pas se trouver là, car, sur le papier, ils avaient disparu d’Angleterre depuis des siècles, et qu’ils ne pouvaient que, après réflexion bien sûr, être considérés comme… comment dire… que… comme des animaux classés invasifs… donc.. comment dire… dangereux pour l’environnement… et même si cet environnement n’est en fait rien d’autre… que leur propre environnement. Le DEFRA se proposa donc de les capturer et de les déposer dans un zoo.
Cette histoire devenait si burlesque qu’il fut urgent d’attendre que le sérieux et la sérénité reprennent leur droit. On laissa passer ce flottement administratif et aussi l’engouement populaire. Début de cette année, la décision fut prise de placer ces castors sous la tutelle d’une association locale de défense de la nature qui s’était proposée pour cette charge.
Le gouvernement anglais consentit 5 années de liberté surveillée – mais sauvage – aux castors du Devon. Cela devrait être suffisant pour confirmer ou infirmer leur dangerosité. Rendez-vous pris donc pour 2020.
LE PRÉCÉDENT DE L’ÉCOFASCISME
Réfléchissons à la provenance de ces castors. Ils ne pouvaient guère être venus de la France en traversant la Manche à la nage, ni d’Ecosse en traversant tout le pays dont une partie obligatoirement à pied. Aucun castor ne semblait non plus s’être enfui d’un élevage ou d’un zoo dans les alentours. Les officiels se trouvaient donc probablement en face d’une réintroduction d’animaux sauvages sauvage (pardon, d’une réintroduction sauvage d’animaux sauvages).Le DEFRA fit rire le public anglais avec sa réaction hypocondriaque mais celle-ci est en fait très compréhensible.
L’apparition des castors, même merveilleuse après 500 ans d’absence, n’avait donc rien de naturelle et, malheureusement pour le ministère, rien non plus de gouvernementale : elle résultait probablement d’une dynamique écologiste tout bonnement hors la loi et bien radicale. Shocking, isn’t it?
Il peut sembler ainsi, à plus y réfléchir, légitime pour un gouvernement de se protéger de telles actions, si ce n’est seulement même pour en prévenir les dérives dangereuses. Surtout que des précédents existent… L’histoire d’Earth First, dynamique écologiste des années 1980 en est peut-être la plus parlante.
Earth First comme son nom l’indique tout de go veut dire la Terre d’abord, avant tout autre intérêt qu’elle. Cette dynamique à tendance écofasciste essaya ainsi de freiner la dégradation de la planète même par des moyens illégaux s’il le fallait.
Aux USA, un roman symbolisa (ou cristallisa) cet état d’esprit d’éco-combattant : “Le gang de la clé à molette”, écrit par le savoureux park ranger Edward Abbey, où quatre hétéroclites amoureux de la nature formèrent une équipe loufoque pour saboter les chantiers de construction et plastiquer des trains de minerais.
Ce qui se passe dans ce roman se passa dans la réalité et, à partir de là, ce ne fut pas le ministère de l’environnement qui dû écrire la fin de cette histoire mais indiscutablement la police et la justice.
Le fondateur d’Earth First, Dave Foreman, appris, par l’expérience, que lutter contre l’étalement urbain n’est pas une solution possible. Dave Foreman comprit que la solution ne pouvait qu’être lutter pour (quelque chose), en l’occurrence, l’étalement du vivant.
REWILDING, UNE DYNAMIQUE POSITIVE!
Dave Foreman s’attela à lancer et à rendre cohérent ce positivisme du vivant : Il participa à la mise en place du mouvement actuel de rewilding (ré-ensauvagement en français). Il fédéra les énergies autour de la réintroduction d’espèces, d’espaces et aussi de moments véridiquement sauvages.On ne peut pas lutter à armes égales contre les routes traversant si facilement les paysages, ni contre les carrières de minerai arasant si simplement les montagnes, ni contre le progrès technologique pouvant réduire l’humain en gadget par de simples clics à la puissance cachée. Cet étalement urbain dans la nature et dans les esprits ne peut être confronté sous peine de se pervertir aussi. On devient dragon à force de combattre le dragon! Il faut donc se battre à l’intérieur d’une dynamique positive.
L’idée n’est pas de conserver les paysages mais d’en laisser la charge aux super-prédateurs et aux grands herbivores. Finie la conservation transformant la nature en musée à visiter! Vive les espaces sauvages et l’état d’esprit qui va avec! Finie la micro-gestion de la moindre herbe, vive la confiance rendue aux êtres vivants locaux non-humains.
La ré-introduction de loups ou d’ours même dangereux pour l’homme, de troupeaux de bisons labourant les plaines à leur gré devint ainsi possible avec la réflexion de Foreman et d’autres écologistes alimentant cette dynamique. La réalité du terrain vint sceller la cohérence de cette réflexion quand les scientifiques révélèrent que la nouvelle présence de loups à Yellowstone avait dépassé leurs attentes écologiques. Non seulement les loups avaient contrôlé la surpopulation d’herbivores et renforcé ainsi la forêt mais ils étaient même responsables du retour des poissons en quantité et qualité dans les rivières, des oiseaux dans les cieux et aussi, un comble pour des êtres sauvages, de la reconfiguration moins dangereuse de vallées du parc.
C’est bien le vivant sauvage qui tient la clé des paysages et de la planète et non l’inverse.
Rewilding Europe cherche à rendre l’Europe plus sauvage
Le “rewilding” existe aussi dans les montagnes Européennes et se porte plutôt bien.
FERAL, RETOUR VERS LE (LOINTAIN) FUTUR IN UK
Il faut dire ici que cette dynamique est aidée par la déprise agricole: Au fur et à mesure que la production alimentaire suit la globalisation, délaissant massivement les montagnes non assez rentables pour migrer vers les régions du sud, des espaces et des esprits se libèrent en Europe : La ré-introduction des bisons, lynx, loups, chevaux sauvages devient non seulement plus aisée mais offre une certaine dynamique positive aux populations humaines locales. Et le plaisir de pouvoir être sauvage de temps en temps renait, celui de pouvoir croiser des bisons ou de suivre les traces d’un loup.
Rewilding-europe est une des associations à dynamique positive qui travaille à ce réenchantement de l’Europe.
Au Royaume-Uni, berceau de la révolution industrielle, cette dynamique de ré-ensauvagement est particulièrement intéressante car les grands animaux sauvages y ont disparu depuis longtemps. Depuis si longtemps d’ailleurs que la mémoire collective a même oublié que notre Grande Bretagne n’était à l’origine pas du tout des landes à moutons mais d’immenses forêts denses et humides.
Ce qui se passe dans les forêts tropicales actuellement, leur saccage et leur destruction au Brésil ou en Malaisie, s’était, en fait passé au Royaume-Uni bien avant que la télé et la photographie ne puisse en témoigner. Ces landes qui sont aujourd’hui prises pour des paysages typiques et iconiques s’avèrent en fait n’être qu’un désert causé par l’homme… sans plus d’arbre, sans plus d’oiseau et même… sans plus d’homme.
Cette méprise et perte de mémoire porte un nom scientifique : Le “shifting baseline syndrom”. C’est le fait de confondre naïvement l’état des paysages et le niveau écologique de notre enfance avec l’état naturel et écologique du vivant. Il faut bien comprendre que cela est illusion et que le ré-ensauvagement, notamment au Royaume-Uni, devra ramener des animaux et des paysages disparus depuis des siècles ou ne sera pas. Lynx, ours, loups – et castors – n’existent pas en Angleterre. Pourtant, ils sont aussi anglais.
Le travail s’organise pour ré-activer les esprits. Les forêts, obligatoirement plantées par la main de l’homme, commencent à apparaitre et les livres dessinant les chemins possibles à emprunter aussi. Feral, de George Monbiot, est de loin celui le mieux documenté et le plus engagé… Féral se dit d’une espèce domestique retournant à l’état sauvage.
ET LE JARDINIER, DÉVELOPPEUR DE BIODIVERSITÉ, DANS TOUT ÇA?
Il y a beaucoup à saisir dans la dynamique du rewilding pour les jardiniers, développeurs de biodiversité, même si, eux, par profession, ne sont pas ruraux mais urbains. Voici quelques passerelles entre ces deux professions du vivant :
Imprimer une dynamique positive : Le Rewilding est plus que la ré-introduction du vivant. Il est surtout la relance d’un dynamisme positif, signe d’une renaissance. Le jardinier, développeur de biodiversité fait exactement de même. Il ré-inscrit les jardins sous sa responsabilité dans la dynamique du vivant tout en étant le garant des bons services rendus à ses clients et leurs infrastructures.
Être force de proposition du ré-enchantement : Une des plus grandes pertes pour le développement durable en ce début du XXIe siècle est le fait que plus personne ne croit en lui. Le slogan général actuel est de s’adapter (au changement climatique et à la catastrophe venant) et non plus de sauver la planète ou de faire un monde uni contre la faim ou la pauvreté. Le rewilding cherche à revigorer les esprits et à recréer un réenchantement. Le jardinier, développeur de biodiversité, fait lui aussi exactement cela. Il doit plus que jamais le montrer et être force de proposition du ré-enchantement auprès de son public.
Créer l’étalement du sauvage par le droit de cité animal : Le rewilding nous prouve la main-mise, jusque là extrêmement sous-estimée voire simplement ignorée, du vivant sauvage et surtout des prédateurs sur la planète. Le postulat d’un écosystème tributaire de son environnement physique et de son ensoleillement pour son énergie ne tient plus. Ce sont les animaux et les prédateurs qui catalysent la puissance de l’écosystème, et qui tirent les ficelles de la planète. Le jardinier, développeur de biodiversité, transcrit ce savoir nouveau dans notre société urbaine. Comme il sait le faire pour les végétaux, le jardinier développeur de biodiversité construit désormais aussi par son travail le droit de cité animal.
Savoir micro-gérer – ou non – ses parcelles : La micro-gestion ne convient pas au rewilding. Inviter la nature n’est pas l’inventer. L’approche défiante et descendante n’est pas compatible avec un jardin durable et vivant. Le jardinier, développeur de biodiversité sait ainsi autant micro-gérer et manucurer son parterre de fleurs que se contenter de sublimer le savoir-faire et le travail de la biodiversité, sauvage ou domestique, quand il se doit.
La dynamique du rewilding est une réelle source d’inspiration. Avec elle, on voit qu’il est meilleur de lutter pour l’étalement du sauvage que contre l’étalement urbain… et c’est exactement cette dynamique positive que les jardiniers, développeurs de biodiversité de Vertdéco ont lancé.