oie cendrée, photographiée par Lee Acaster copie

3/9 – PARIS PARC NATIONAL

Paris Parc National (pdf)

LES PARCS NATIONAUX SE LANCENT À L’ASSAUT DES VILLES: PARIS DOIT EN ÊTRE!

PARIS PARC NATIONAL

Paris deviendra un parc national urbain. Il ne peut en être autrement. D’ailleurs, “Paris parc national », cela ressemble très fortement à “développement durable”: Ce sont des expressions que le XXIe siècle réduira en pléonasme.

Et comme le XXIe siècle, c’est justement notre siècle, autant commencer ce travail maintenant.

Pensons alors à quelles pourraient être nos raisons pour faire de Paris un parc national?

Est-ce la philosophie : L’opposition entre nature et artifice est une erreur et une ville parc national peut la corriger? Le principe : La possibilité de tisser des liens avec une nature de qualité devrait s’appliquer à tous, même en ville? Une dynamique positive : Penser Paris Parc National n’est qu’un exemple de renaissance qui renforcera le XXIe siècle? La lutte contre le changement climatique : Nous sentons bien que soutenir le vivant, c’est surtout lutter contre la crise climatique (on évoque la raison ici)? Le plaisir facile : N’est-il pas plus heureux de faire venir le voyage à soi que de se fatiguer à l’inverse (Les ornithologues parisiens le savent déjà)? La santé : Vous pensez vous aussi que le manque de nature pendant l’enfance entraine des troubles du comportement chez l’adulte? Le résultat comptable : La densité humaine à Paris rentabilisera sûrement plus rapidement qu’ailleurs les infrastructures d’engagement avec la nature? La French touch : À chaque parc national urbain son identité… identité qui à son tour renforcera celle de sa ville d’accueil. Paris Parc National sera-t-il le nouveau fleuron français? La synergie : Une occasion de réunir architectes, scientifiques, citoyens, entreprises, cultures, écoles autour d’une belle et grande vision commune ne doit jamais être manquée? L’esthétisme : Un parc national urbain vous semble le meilleur moyen pour que ville ne soit pas vile?

Il y a tant de raisons de faire de Paris un parc national! Et, a contrario, aujourd’hui, il n’en reste plus aucune pour ne pas le faire.

En effet, cette réflexion d’une cité parc naturel n’a rien d’une illusion ou d’une provocation: Elle est juste et belle et bien devenue la dernière étape de la lente construction du concept de parc national commencée il y a 200 ans…

LA NAISSANCE DES PARCS NATIONAUX

Catlin dessinant les bisons, camouflés avec son guide indien, sous des peaux de loups blancs. 1847

Histoire : Le premier qui demanda (autour des années 1830) que la fierté nationale s’applique à un espace sauvage est George Catlin (1796 – 1872).Un parc national, c’est un territoire élevé en fierté nationale et géré en tant que tel, pour le bien de ses générations présentes et futures.

Il peut sembler farfelu d’avoir demandé à une nation d’élever en symbole national une chose à laquelle, paradoxalement – voire même justement – cette même nation n’eut jamais contribué en rien… pourtant l’idée de Catlin allait se concrétiser et devenir la plus belle des idées américaines.

John Muir (droite) et le président Théodore Roosevelt à Yosemite in 1903

Celui ensuite qu’on cite comme le père des parcs nationaux, c’est John Muir (1838 -1914). C’était un véritable génie entretenant une passion totale avec la nature. Randonneur fou, naturaliste respecté par ses pairs, écrivain reconnu du public, il voulut que ce soit le plus haut niveau de l’état qui prenne en charge la conservation des plus beaux objets naturels (glaciers, montagnes, canyons, etc.).

Cela, parait-il, permettrait à tous les citoyens de se transcender à leur contact. Il fit même dormir le président de l’époque (Théodore Roosevelt) à la belle étoile, à Yosemite, pour le convaincre de la chose.

Transcendantalisme ou pas, T. Roosevelt convertit les USA à la conservation de la nature..

Il faut évoquer maintenant Stephan Mather (1867 – 1930) : Lui professionnalisa les parcs. Il était à l’origine un entrepreneur, et parmi les meilleurs qui soient… une fois millionnaire, il ne travailla plus qu’à renforcer les parcs. Il proposa de créer une agence fédérale unique pour mieux les gérer : ce sera le National Park Service (1916). Il en sera le premier directeur. Il lui conférera son sens de l’organisation et du marketing (et aussi son argent).

Avec lui, les parcs devinrent une agence fédérale hautement respectée, renforcèrent leur pouvoir d’enchantement dans l’imaginaire collectif et c’est avec ce bagage-là qu’ils purent, plus tard, commencer à… sortir du parc.

Stephan Mather sut rendre l’imagerie du grand ouest accessible à la ménagère

L’ESPRIT DES PARCS S’ÉMANCIPE DES PARCS

L’idée de Catlin était bien vue. Un parc national, en réalité, ne renferme rien en lui. C’est même exactement le contraire : Tout ce que la création des parcs nationaux contient se trouve en fait… à l’extérieur. Durant le XXe siècle, le national park service va apprendre à reconnaitre la chose et ne cessera dès lors de repousser ses barrières en sortant de son territoire d’origine. Mais l’apprentissage est lent…

Au début, les parcs, c’était entre autres l’éradication des loups pour la sécurité des randonneurs, le nourrissage d’ours hébétés pour amuser les touristes, des incendies préventifs pour gérer les paysages, des routes et des parkings pour visiter toujours plus vite, la chasse de la faune et de la flore surabondants ou traversant les limites du parc… Cela n’évolua en mieux que petit à petit.

C’est que gérer sur un même lieu, paysages et sites historiques, faune et flore, récréation et logistique des humains, et puis défendre le tout contre l’étalement urbain et la captation des ressources naturelles n’est en fait qu’un perpétuel exercice.

Voici quelques dates et noms parmi tant d’autres pour caractériser cette phase:

Les Everglades, Le fleuve de l’herbe.

Le parc national des Everglades (1934) marque un tournant.

C’est la première création de parc justifiée par le vivant et non par un paysage spectaculaire et des grands espaces (bien au contraire on a affaire là à des marais insalubres et fermés). Ce sera Marjory Stoneman Douglas (1890 – 1998) qui transformera ensuite dans l’imaginaire populaire ces étranges marécages repoussants en un joyau national (1947, “Les Everglades : Le fleuve de l’herbe”).

Le parc des Everglades partagera son esprit avec les organisations l’environnant (1968 : The everglades coalition) et s’en suivra une série de progrès, au coup par coup, jusqu’à ce qu’enfin la région tout entière se pense comme un ensemble biologique. En l’an 2000, un des plus grands plans d’actions écologiques, au monde, pour restructurer la zone est lancé.

En voilà d’ailleurs un résultat datant juste de cet hiver, aussi inattendu que positif: Un attroupement de lamantins.

Cette réussite ne fut possible qu’avec les apports du “rapport Leopold” publié en 1964 par le National Park Service. Il faisait suite au désenchantement du public provoqué par l’abattage par les parcs des wapitis en surnombre.

Devant ce mécontentement, le secrétaire à l’intérieur, Steward Udall (celui déjà évoqué ici) demanda alors des préconisations à A. Starker Leopold (d’ailleurs le fils de son père, Aldo Leopold, penseur du “wilderness”). Celui-ci donna raison au public et un grand virage fut amorcé: Ce sera l’émergence des protocoles scientifiques de gestion et le retour des super-prédateurs.

Le rapport Leopold fit rentrer la science dans tous les parcs et avec elle le vivant allait en sortir.

Les frères Craighead en action

Exemple rapide : Les Craighead, frères jumeaux et surtout scientifiques, prouvèrent que pour sauver les ours de l’extinction, il faudra accepter leur déambulation en dehors de Yellowstone…

Demande accordée! le Parc national irradiera désormais de sa nature et de cet esprit toute la région du grand Yellowstone.

Cette compréhension-là change tout. Désormais ce qui compte, c’est la vie et non plus sa virginité.

Cette émancipation intellectuelle – et surtout scientifique – entraine une transformation structurelle importante : elle permet aux parcs de sortir des espaces vierges pour se lancer à l’assaut des zones urbaines en prenant en charge – scientifiquement – des espaces dégradés. L’étalement du sauvage est en route. Les parcs y travaillent pour le bien des générations présentes et futures.

Deux exemples des plus parlants (en hyper-lien), et cette fois en dehors des USA : Le Parque nacional da Tijuca, créé en 1961, qui a fait renaître sa forêt dévastée et cela en plein Rio de Janeiro au brésil ou le Sanjay Gandhi National Park, créé en 1974, et qui n’a de cesse de développer son vivant à l’intérieur même de Mumbai en Inde.

Une vue sur Mumbai depuis son parc national intérieur

LA NOUVELLE CONQUÊTE DES PARCS : NOTRE CULTURE

Histoire dans l’histoire : Repassons par Stephan Mather, le premier directeur de l’agence américaine des parcs nationaux. Avant cela, il faisait commerce du borax, une lessive naturelle. Un des meilleurs gisements se trouvait dans la Death Valley (ici un clin d’oeil publicitaire), région ensuite préservée, dans un premier temps comme monument national (1933), puis comme parc national (1984).

Le Death Valley National Park, patrie des Timbisha Shoshone

L’exploitation du borax avait poussé, à l’époque, à la relocation et la sédentarisation forcée de la petite centaine de familles Timbisha Soshone, ces amérindiens natifs de cette vallée. La relocation ne fonctionna en fait jamais et la tribu resta sur zone par ses moyens propres (et aussi… extrêmement réduits). C’est que les shoshones pensent cette vallée, et ses montagnes comme étant leur maison et aussi leur devoir. Une cinquantaine de leurs descendants demandèrent précisément, en 1960, cette reconnaissance au National Park Service.

Si, exactement à la même époque, la science intégra assez rapidement les parcs, il n’en fut pas de même pour la culture, même celle prouvée multi-millénaire et native du lieu : Ce ne sera que 40 ans plus tard que le parc admit que sa nature n’était ni vierge ni sauvage mais culturelle. C’est un virage symbolique mais d’une grande importance.

L’émancipation intellectuelle – cette fois culturelle – qu’il laisse entrevoir est forte: les parcs vont devoir désormais travailler à nous faire comprendre que l’opposition entre nature et culture n’était en fait qu’un… artifice, voire qu’un… subterfuge. Le sauvage n’est pas ce que l’on le croit.

Une commission est désormais en place pour comprendre les implications de faire de Death Valley le premier parc national tribal au monde. Les Timbisha seraient même prêts à abandonner leur souveraineté pour cela et à intégrer… les USA. Si cela se concrétise, que pensera-t-on alors de l’idée de parc national de ce Catlin : était-elle farfelue ou géniale?

Une autre commission réfléchit en ce moment à la création d’un parc national intégrant aussi en son sein une culture… Mais cette fois, beaucoup plus proche de nous.

Elle a été mise en place par le Maire de Londres suite à une campagne rassemblant citoyens londoniens et une 100aine d’organisations locales. Elle propose de faire du grand Londres un parc national et de le penser comme tel.

Il est vrai que la biodiversité de Londres, que sa concentration en organisations pro-nature, ou que l’amour que portent ses citoyens à leurs parcs et jardins rivalisent avec ou dépassent ce qu’on trouve dans les autres parcs nationaux anglais. Aussi la puissance que pourrait apporter la marque et l’esprit parc national à la ville correspond parfaitement au besoin de celle-ci face au XXIe siècle.

Plutôt que des mots, voici quelques images évoquant le projet London National Park :

oie cendrée, photographiée par Lee Acaster copie

 

Le Grand Londres, c’est de nombreux espaces verts

 

Dr Jennifer Owen trouva en 30 ans dans son petit jardin londonien 2673 espèces vivantes. Cela dépasse la densité d’espèces de la forêt amazonienne.

Les organisations amies du Greater London National Park sont plus de cent ans

 

Écologie – Vous avez plus de chance de croiser un renard à Londres que dans la campagne anglaise. GanMed64 a juste photographié ici l’un des 30 000 renards du grand Londres.

Écologie : Les martins pécheurs sont des oiseaux à la lointaine origine tropicale. Ils préfèrent la douceur de la ville à la rigueur hivernale de la campagne. Il suffit qu’ils trouvent des poissons et des nichoirs pour devenir citadins comme à Londres.

Écologie : La population de hérissons a dramatiquement chuté en Angleterre. Seule une politique concertée peut les ramener à Londres. Un parc national urbain?

Écologie : Un cerf photographié par Sam Hobson dans la banlieue de Londres près du parc Richmond. Ils font désormais partie du paysage.

Écologie : En 2023, plus aucune eau usée ne sera rejetée par Londres dans la Tamise. Les phoques et les dauphins suivront alors leurs éclaireurs déjà en action depuis quelques années.

ET LE JARDINIER, DÉVELOPPEUR DE BIODIVERSITÉ, DANS TOUT CELA?

Comme déclaré par Vertdeco dans son engagement volontaire pour la stratégie nationale pour la biodiversité (engagement reconnu par le ministère en 2013), les jardiniers, développeurs de biodiversité, pensent déjà le territoire sous leur responsabilité comme une réserve naturelle ouverte.

Ils se forment depuis plusieurs années dans ce sens, créent de nouveaux outils, convertissent leurs clients, développent leur vision d’étalement du sauvage dans le respect des infrastructures, des règles territoriales, de l’esthétisme et de l’écologie.

La création d’un Paris Parc National est une initiative bienvenue pour les jardiniers, développeurs de biodiversité.

Elle ferait enfin évoluer leur métier pour qu’il englobe toute la flore et la faune, qu’elles soient sauvages ou domestiques. Et la synergie que créerait Paris Parc National leur permettrait toujours de mieux servir leurs clients soucieux de durabilité mais aussi les entrepreneurs du vivant.

Piscines et bassins écologiques (pourquoi pas dans la Seine un jour), bâtiments et infrastructures à biodiversité positive, écoles éco-labellisées, maisons du compost, gallinarium et fermes urbaines, refuges faunistiques, parcs vivants, biozones intérieures, etc. sont toutes des infrastructures multi- dimensionnelles dont les jardiniers ne sont qu’un élément à côté des architectes, des designers, des éducateurs, des entrepreneurs, des particuliers. Une synergie, une vision commune, une politique ombrelle serait un coup d’accélérateur déterminant vers ce Paris durable.

Voilà pourquoi les jardiniers, développeurs de biodiversité, cautionnent avec joie la création d’un Paris Parc National.

ET VOUS, CAUTIONNEZ-LE VOUS ?

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